Le Nouvelliste du 01.09.2015- Loisirs et culture
Hommage de vers en notes
La Cie de l'Ovale chante dans un bus itinérant la poésie de l'artiste valaisanne née en 1915. La première de leur périple a lieu ce soir.
" Evolène, eau lente qui prend le temps de réfléchir pour être parfois miroir. Nax, pierre qui polit l'azur jusqu'à la volupté rose. " Pendant trois ans, la mé trique de Pierrette Micheloud a vaga bondé dans les esprits d'Ed mée Fleury, Denis Alber et Pascal Rinaldi. Pour fêter le 100e anniversaire de la poétesse d'origine valaisanne, le trio de compositeurs a revisité en musiques du monde ses textes enfiévrés, fouillant les archives de la Médiathèque à Sion, écorçant les rimes de cette "féministe" qui vénérait la magnitude du Vieux-Pays.
Dans un bus douillet et astral, propice aux itinérances, ils raniment dans "La grande gynandre" la verve de cette avant-gardiste de Vex, connue pour sa plume mais aussi pour son coup de pinceau.
Filage bon enfant
Vendredi après-midi, l'heure était au peaufinage des derniers détails de la performance. Toute la distribution s'était donné rendez-vous au Quartier culturel de Malévoz à Monthey.
En costumes des années 20, la Cie de l'Ovale répétait son entrée en scène, tournoyant sur des bicyclettes - une référence directe aux balades estivales de la troubadour qui, entre 1951 et 1968, traversait les vallées pour y réciter ses écrits dans des villages confinés. Le bus, transformé en salle de spectacle, est vite habité par Denis Alber qui répète une de ses compositions à l'accordéon. Pascal Rinaldi, lui, se chauffe la voix sur des chants "tibétains" pendant qu'Edmée Fleury accorde sa cithare. " L'avantage d'être trois musiciens sur ce projet permet d'offrir trois univers distincts aux spectateurs ", se réjouit la chanteuse de la bande. Les poèmes de Pierrette Micheloud revivent ainsi sous un panel d'instruments, de la scie musicale à la harpe, en passant par la trompette et autres gadgets.
Avec des transitions recherchées, les rimes de la chroniqueuse de la revue la " Voix des Poètes" - la jeune femme était montée à Paris dans les années 50 mais revenait régulièrement se ressourcer en Valais - s'habillent de mélodies pop-rock, de blues, d'incantations "indiennes" et de silences évocateurs. Chaque chanson a sa patte. Tous les objets qui entourent les trois musiciens ont leur raison d'être. " Quand Pascal improvise, le moins que l'on puisse dire est qu'il part dans des directions totalement inattendues ", lâche Lorenzo Malaguerra, metteur en scène de la pièce musicale, après une excentricité de l'interprète. La répétition se déroule dans une ambiance bon enfant. Le trio ravive avec originalité les écrits de la libre penseuse.
Dialogue avec Pierrette
L'ambiance intimiste des lieux - 25 personnes maximum peuvent assister à chaque représentation - crée une atmosphère particulière. L'audience partage une sorte de tête-à -tête étourdissant avec la poétesse et ses discours: " On a choisi de lier nos morceaux avec des extraits d'interview vifs et saisissants. L'instantané la ramène dans le présent ", explique Denis Alber.
En tournée, la troupe fera une halte très attendue à la rue du Grand-Pont à Sion, dans le cadre du vernissage de l'exposition Pierrette Micheloud à la galerie de la Grenette le 7 novembre. " Nous allons aussi rejouer ce spectacle en 2016 avec le Crochetan mobile. Le challenge au fond serait de nous produire dans tous les bourgs que Pierrette Micheloud cite dans son poème "Villages de montagne ", finit-il mi-ambitieux, mi-rêveur.
Après un premier filage réussi, toute l'équipe planifie d'en faire deux autres durant la soirée. A la base, la thématique de cette production était une commande de la fondation en l'honneur de l'écrivaine . " Cette requête nous a directement parlé. Nous sommes aisément inspirés par des figures féminines qui ont marqué l'histoire par leur art. D'ailleurs, notre prochaine création sera certainement sur la peintre rebelle Frida Kahlo ", mentionne Pascal Rinaldi, ravi d'avoir sillonné ces derniers mois la prose de l'intrépide Pierrette Micheloud.